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  • A méditer

    medium_CHP011.jpg"Nous avons eu l'occasion de changer le monde et avons préféré le télé-achat."
    Stephen King

  • L'écriture

    medium_PAA295000021.jpg"J'écris pour débarasser ma cervelle, pas pour encombrer celle d'autrui"

    Louis Scutenaire. 

  • ô dingos, ô châteaux (Folle à tuer). Jean-Patrick Manchette

    medium_i-distel-manchette-chronik.JPG.jpgVoici une nouvelle rubrique : les premières lignes d'un roman que j'ai particulièrement apprécié.
    Pour commencer, il s'agit d'un roman de Jean-patrick Manchette ô dingos, ô châteaux.
    Pour ceux qui ne connaissent pas Jean-patrick Manchette, voici une présentation faite par Pierre Assouline :
    "Un nom qui casse, coupe et claque. Le rêve pour un écrivain. Pas un pseudonyme pourtant. Il s’appelait vraiment comme ça. On n’est pas près de l’oublier. Mais pas seulement à cause de son nom : à cause de son œuvre. Vous avez bien lu : œuvre. Ca se dit pour un auteur de polars ? Ca se dit, n’en déplaise à ceux, plus nombreux qu’on ne le croit, qui persistent à tenir la chose pour « un sous-genre » "
    (Pierre-Assouline, sur son blog http://passouline.blog.lemonde.fr/livres/2006/05/tout_manchette_.html

     


    "Zero


    L'homme que Thompson devait tuer, un pédéraste coupable d'avoir séduit le fils d'un industriel, entra dans sa chambre. Refermant sa porte derrière lui, il eut le temps de sursauter à la vue de Thompson debout contre le mur à côté des gonds. Puis Thompson lui plongea dans le coeur une lame de scie rigide montée sur une grosse poignée cylindrique et pourvue d'une garde circulaire en tôle. Tandis que la garde empêchait les jets de sang, Thompson agita vigoureusement la poignée cylindrique et le coeur de l'homosexuel se trouva coupé en deux ou plusieurs morceaux. La victime ouvrit la bouche et eut un seul spasme. Sa croupe heurta le battant et elle tomba morte en avant. Thompson fit un pas de côté. Le cadavre lui laissa sur la main une trace de rouge à lèvres. Thompson s'essuya avec dégoût. Depuis une demi-heure, ses crampes d'estomac étaient devenues presque intolérables. Il quitta la chambre. Personne ne l'avait vu rentrer, personne ne le vit sortir..."


    Jean-patrick Manchette, ô dingos, ô châteaux

  • Humour

    medium_PAA304000049.jpg"Nous examinons toujours toutes les éventualités, même celles où nous changerions d'avis dans le cas où nous serions obligés de le faire"

    Jean-Marie Piemme

  • Une maison

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    En s’approchant un peu, des chênes centenaires semblaient faire un pas de côté pour nous laisser entrevoir une mince partie de la façade. De plus loin, un rideau vert, entremêlement visuel de branches de conifères, de buissons et de feuillus, barrait la vue aux curieux et était le meilleur garant de la tranquillité des hôtes.
    De l’arrière de la bâtisse, la situation était totalement différente. La terrasse en tec surplombait un gazon digne des terrains de golf qui se dérobait rapidement sous les jambes des invités qui ne prenaient garde de la pente extrême du jardin.
    Sur le côté droit, il y avait un appentis faisant office de réserve de bois pour l’hiver.
    Plus loin, des champs de blé.
    En entrant dans la maison, on aurait pu entendre comme à l’accoutumée, les cris des enfants rebondissant comme des balles en caoutchouc sur les boiseries lasurées, résonnant dans le long corridor du bas et montant en faisant vibrer jusqu’aux portes du palier. Mais aujourd’hui tout était bien calme. Une seule chambre d’hôtes était occupée et les locataires du lieu étaient bien silencieux. On aurait pu aussi remarquer un léger effluve provenant de la cuisine, un subtil parfum à peine perceptible comme un délicieux chatouillement odoriférant nous rappelant quelque chose de notre enfance. Cette odeur exquise qui nous faisait saliver dans les moments rares où nous rentrions dans une confiserie. Il y avait cet homme ou cette femme qui enroulait d’un geste lent la pâte sucrée et colorée qui finissait par être découpée en sucettes.
    La maîtresse de maison avait en effet un petit péché mignon, celui de fabriquer et de déguster des sucettes et des berlingots aux mille parfums : ces venues traditionnelles à feu ouvert, fraise, pomme, framboise, citron, cerise, groseille, orange, cassis… Elle les essayait toutes, au grand ravissement de ses invités. Mais à cette heure de l’après-midi, nulle odeur, nul parfum ne s’échappait des casseroles en cuivre. Il n’y avait que cette pluie fine, ce crachin qui s’évertuait à glisser le long des carreaux, apportant aux lieux cette odeur si caractéristique de l’air humide.
    A suivre...

  • Une femme avec la main sur la bouche

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    Elle s’était tue. Soudainement. Non pas qu’elle n’avait plus rien à dire mais plutôt car elle avait le sentiment d’en avoir trop dit. Elle avait l’impression d’avoir dévoilé ce qu’elle ne voulait pas laisser paraître.
    Erwan s’était retourné vers elle, il avait lancé ses gros yeux bleus dans sa direction, comme deux intenses faisceaux lumineux, deux torches électriques braquant sa figure, fouillant le brouillard de sa conscience pour y dénicher ce qui lui semblait avoir compris. Elle baissa la tête, l’inclina légèrement en passant sa main dans ses cheveux blonds.
    Avait-il compris ? Elle n’osait l’imaginer. Il était encore trop tôt. Trop tôt pour lui dire la vérité.
    Pas maintenant. Pas comme ça, il ne le fallait pas.
    Elle y avait tellement pensé. Elle en avait tellement parlé avec Francis.
    Elle tendit la main et attrapa un verre puis revint s’asseoir.
    L’eau qui descendait lentement l’apaisa un peu.
    Erwan attendait, debout, les bras croisés sur son ventre rebondi comme pour mieux lui signifier qu’il n’en resterait pas là. Qu’il attendait une réponse, une explication. La pendule jaune, accrochée au-dessus du chambranle de la porte de la cuisine, égrenait ses secondes, rythmant le silence qui avait refroidi à présent toute la pièce. Avec ses deux aiguilles noires statiques et sa trotteuse tournant sans relâche, elle semblait surveiller du coin de l’œil chaque geste, chaque bouche susceptible de s’ouvrir.
    Mais rien ne se produisait.
    Marie restait muette comme figée par la peur de parler. Après lui avoir mentie pendant toutes ces années, elle éprouvait une douleur déchirante à l’idée de tout lui avouer. Elle savait que ce moment était inéluctable mais elle ne pouvait s’y résigner même si ce sentiment lui apparaissait déraisonnable et foncièrement égoïste.
    Erwan esquissa un geste comme pour préparer sa fuite :
    — Attends, lui dit-elle.
    Il s’arrêta et s’adossa de nouveau à la desserte.
    — Je te dois des explications, reprit Marie.
    Il fit une moue, approuvant ce que lui disait sa mère.
    — J’ai toujours voulu reculer l’échéance… jugeant que tu n’étais pas prêt…
    — Tu pensais que j’étais trop petit ? demanda Erwan.
    — Oui, en quelque sorte.
    — Et bien tu t’es trompé, lâcha-t-il.
    — Comment ça ?
    — Je ne serais jamais prêt à entendre ça, surtout après tous tes mensonges.
    — De quoi tu parles, s’inquiéta Marie.
    Il y eut un silence puis Erwan reprit en souriant :
    — Toutes ces conneries à propos de moi, je les ai gobées pendant un moment mais j’ai fini par comprendre…
    Erwan s’interrompit, hésitant à tout balancer à sa mère, enfin à Marie, pensa-t-il.
    — Qu’est-ce que tu as compris ? risqua-t-elle.
    — O moins, dit-il.
    — O moins, oui, c’est ton groupe sanguin et alors ? fit-elle presque agacée.
    — Et le tien et celui de papa ?
    — O moins aussi, mentit-elle, complètement désarçonnée.
    — Tous les deux un sang plutôt rare, quel hasard, maman…
    Erwan reprit en changeant de ton, la colère crevant à la surface de ses pupilles :
    — Et bien non, un mensonge de plus… j’ai fini par le découvrir… vous êtes tous les deux du groupe O positif…
    Marie s’affaissa un peu plus sur sa chaise, écrasée par la culpabilité, honteuse comme un enfant prit en faute.
    Hésitante, elle trouva tout de même la force de se lever et fit un pas en direction de son fils, prête à le prendre dans ses bras.
    —Laisse-moi, fit-il et il recula. Il recula devant sa mère.
    C’était ce qu’elle avait toujours redouté et comme dans un mauvais rêve, elle n’était pas prête à vivre ça, à voir son fils montait les marches quatre à quatre, fuyant sa mère comme une pestiférée.
    À présent, la tête lui tournait alors elle se rassit. Elle prit sa tête entre ses mains et pleura doucement, seule, bien seule dans sa cuisine.

  • Pour sourire

    Une petite citation de Michel Audiard :
    Faut-pas parler aux cons, ça les instruit...

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  • Mea culpa

    J'avoue avoir changé la règle... Cette nouvelle ne s'est pas construite au fur et à mesure, comme promis... Mea culpa, en fait en l'écrivant, c'est idiot mais je n'ai pas réussi à m'arrêter... ça sera peut-être pour la prochaine...medium_envol_v.2.jpg

  • Nouvelle en fin de chantier

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    Longtemps, je l’avais détesté : nous avions aimé la même femme.
    Ça n’avait pas été une compétition, un jeu d’adolescents ni même une rivalité. Non, il y avait eu Sophie et je crois bien qu’à force de traîner ensemble, une complicité s’était installée doucement, un peu comme la poussière se dépose sur les meubles : pendant quelques jours, ça n’y paraît pas, la commode semble bien propre et puis un autre jour, en allant chercher une paire de chaussettes, en ouvrant un tiroir, on remarque que de près, la poussière s’est accumulée en une couche assez fine. Elle est là, blanche et ténue comme un nuage de coton délicatement posée sur la surface cirée de la commode de grand-mère, narguant nos yeux et complexant la personne propre que nous sommes. On ne l’avait même pas remarquée. Elle semblerait presque sortie d’un chapeau.
    Avec Sophie, ç’avait été la même chose. D’insignifiantes rigolades, de banales promenades, de longs et assommants travaux pratiques et la routine du self de la fac de sciences. Pas vraiment de l’amitié plutôt une entente à l’amiable qui nous évité de nous retrouver seuls. C’était mieux ainsi.
    Mais à force de s’effleurer, de croiser ses regards de moins en moins timides, de tapoter une épaule, une douce cristallisation, lente comme une fleur qui s’ouvre et qui offre son pistil à la vue de tout le monde, s’était produite. Rien d’important au début, comme un frisson.
    Un frisson, très vite remplacé par un sentiment idiot de ne plus pouvoir la quitter, de voir toute la terre dépeuplée si elle venait à disparaître. Cela s’était immiscé, introduit comme un voleur, dans ma conscience et cela avait envahi mieux qu’un parasite toute ma vie. À chaque seconde, à chaque battement de cœur ou de cil, Sophie remplissait ma vie mieux que l’oxygène qui coulait dans mes veines. Elle était tout à la fois. Ma raison de vivre, mon espoir, la plus belle chose qui était en train de m’arriver.
    Mais il y eut l’autre. Mon double. Mon ennemi.
    Il me conseillait mal. Je n’y voyais rien, obnubilé par Sophie, aveuglé par l’amour.
    Il me disait de faire ainsi et je lui obéissais, aveugle que j’étais. À deux, nous aurions pu conquérir le monde, séduire Sophie. Bouger les montagnes, aplanir nos doutes, écraser nos peurs.
    Mais il faut bien avouer qu’il m’entraîna dans sa chute douloureuse. Il nous fallut du temps pour nous en remettre, réaliser nos erreurs, notre bêtise, notre égarement. Ce n’en fut que plus douloureux.
    Une blessure comme celle-là ne se referme jamais totalement. C’est un peu comme les stigmates des saints catholiques qui se rouvrent de temps à autre. Ça suinte régulièrement, laissant écouler un peu de regret.
    Avec le temps, la douleur s’estompe, elle s’enterre à la manière d’une bête acculée, elle se cache avec pudeur derrière la routine de la vie.
    Mais quelques fois au détour d’une ruelle, une mèche blonde apparaît et le souvenir, toujours prêt à bondir, nous laisse songeur : si seulement, j’avais…
    Mais il y a bien une petite morale de cette histoire, celle de Jean-Marie Poupart : « On passe tellement de temps à regretter ce qu’on a fait qu’il est bien inutile de se donner la peine de regretter ce qu’on n’a pas fait… »
    Alors ne nous retournons plus, l’avenir est devant et les mèches blondes, laissons-les derrière…