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les premières lignes

  • Histoire de la violence, Edouard Louis

    littérature,écriture,roman,nouvelles,Edouard,Louis,SeuilAprès En finir avec Eddy Bellegueule, un roman poignant et fort, Edouard Louis a écrit Histoire de la violence. Le roman paraitra, aux Editions du Seuil, le 7 janvier.

    En voici un résumé d'après l'auteur :

    J’ai rencontré Reda un soir de Noël. Je rentrais chez moi après un repas avec des amis, vers quatre heures du matin. Il m’a abordé dans la rue et j’ai fini par lui proposer de monter dans mon studio. Ensuite, il m’a raconté l’histoire de son enfance et celle de l’arrivée en France de son père, qui avait fui l’Algérie. Nous avons passé le reste de la nuit ensemble, on discutait, on riait. Vers six heures du matin, il a sorti un revolver et il a dit qu’il allait me tuer. Il m’a insulté, étranglé, violé. Le lendemain les démarches médicales et judiciaires ont commencé.

    Plus tard, je me suis confié à ma sœur. Je l’ai entendue raconter à sa manière ces événements.
    En revenant sur mon enfance, mais aussi sur la vie de Reda et celle de son père, en réfléchissant à l’émigration, au racisme, à la misère, au désir ou aux effets du traumatisme, je voudrais à mon tour comprendre ce qui s’est passé cette nuit-là. Et par là, esquisser une histoire de la violence.

    Source : http://edouardlouis.com/2015/11/05/a-paraitre-histoire-de-la-violence/

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  • Les monarchies divines, le voyage d’Hawkwood de Paul Kearney

     Voici un extrait du 1er tome des "Monarchies divines" de Paul Kearney, une fresque épique de Fantasy en 5 tomes, bien écrite : le style est très agréable. Il s'agit du "Voyage d'Hawkwood" qui a paru aux éditions du Rocher et en poche, aux éditions du "Livre de poche".

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     Paul Kearney est né en 1967 en Irlande du Nord, où il habite aujourd’hui, après deux parenthèses à Copenhague et aux États-Unis.

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    Présentation de l'éditeur

    Les différents royaumes qui gouvernent le monde sont entrés en guerre. Aekir, la grande cité ramusienne, vient de tomber sous le joug du sultan Aurungzeb. À Hebrion, le roi Abeleyn IV s’inquiète de la montée des Inceptines, cet ordre religieux fanatique qui veut faire disparaître toute trace de magie sur terre. Alors que le noble Hawkwood revient à Abrusio à bord de sa caravelle, une partie de son équipage se fait arrêter. Pour survivre, il doit accepter un marché : aller à la recherche d’un continent légendaire. Il a pour équipage les magiciens et les sorciers devenus indésirables dans la cité. Malheureusement, personne n’est jamais revenu vivant de ce périple impossible… Série devenue culte, la fresque épique en cinq volumes des Monarchies divines ravira les amateurs d’une fantasy mature et sombre.

    "Prologue

    Année du saint 422

    Navire de la mort – il cabotait sous la brise du nord-ouest, les huniers immobiles, mais les vergues brassées pour affronter un vent perdu depuis trop longtemps en haute mer. L’équipage de la yole fut le premier à l’apercevoir, la veille de la Saint-Beynac. Il donnait lourdement de la gîte, en dépit de la houle légère, et les vestiges de ses voiles vibrèrent et s’agitèrent lorsque la brise fraîchit.

    C’était une journée d’un bleu parfait, un ciel et nu océan immenses qui se reflétaient même l’un sur l’autre. Quelques goélands voletaient, impatients, autour des filets remplis d’argent remorqués par l’équipage de la yole qui faisait des affaires en or, et un banc d’oyvips étincelants, anormalement nombreux, batifolait par bâbord – mauvaise augure. A l’intérieur de chaque banc, disait-on, hurlait l’âme d’un noyé. Mais le vent était clément et le banc démesuré –perceptible telle une ombre gigantesque sous la coque d’un navire, scintillant de temps à autre lorsque le flanc lumineux d’un poisson se contorsionnait ; les pêcheurs étaient présents depuis le quart du matin, remplissant leurs filets avec la récompense incertaine de la mer, la ligne obscure de la côte hebrionienne n’étant que pure conjecture, au loin, bien au-delà de leurs épaules droites.

    Le capitaine de l’une des yoles se protégea les yeux, marqua une pause puis scruta attentivement l’océan, pierre bleue scintillant sur du cuir ondoyant, le menton hérissé de poils aussi pâles que ceux d’une ortie. L’ombre de l’eau, lumineuse, se gondolait dans ses orbites.

    - Quelque chose en vue, marmonna-t-il.

    - Qu’est-ce, pater ?

    - Une caraque, fiston ; un navire de haute mer visiblement".

    Paul Kearney, Les monarchies divines, 1er tome Le voyage d'Hawkwood

     

    Carte du "monde" des Monarchies Divines :

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    Et enfin, les 4 autres tomes :

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  • Roméo et Juliette

    roméo.1.jpgUn extrait de Roméo et Juliette, Acte I, Scène V , de William Shakespeare


    "Roméo, prenant la main de Juliette. — Si j’ai profané avec mon indigne main cette châsse sacrée, je suis prêt à une douce pénitence : permettez à mes lèvres, comme à deux pèlerins rougissants, d’effacer ce grossier attouchement part un tendre baiser.
    Juliette. — Bon pèlerin, vous êtes trop sévère pour votre main qui n’a fait preuve en ceci que d’une respectueuse dévotion. Les saintes mêmes ont des mains que peuvent toucher les mains des pèlerins ; et cette étreinte est un pieux baiser.
    Roméo. — Les saintes n’ont-elles pas des lèvres, et les pèlerins aussi ?
    Juliette. — Oui, pèlerin, des lèvres vouées à la prière.
    Roméo. — Oh ! alors, chère sainte, que les lèvres fassent ce que font les mains. Elles te prient ; exauce-les, de peur que leur foi ne se change en désespoir.
    Juliette. — Les saintes restent immobiles, tout en exauçant les prières.
    Roméo. — Restez donc immobile, tandis que je recueillerai l’effet de ma prière (il l’embrasse sur la bouche). Vos lèvres ont effacé le péché des miennes.
    Juliette. — Mes lèvres ont gardé pour elles le péché qu’elles ont pris des vôtres.
    Roméo. — Vous avez pris le péché de mes lèvres ? O reproche charmant ! Alors rendez-moi mon péché. (Il l’embrasse encore.)
    Juliette. — Vous avez l’art des baisers.
    La Nourrice, à Juliette. — Madame, votre mère voudrait vous dire un mot. (Juliette se dirige vers lady Capulet.)
    Roméo, à la nourrice. — Qui donc est sa mère ?
    La Nourrice. — Eh bien, bachelier, sa mère est la maîtresse de maison, une bonne dame, et sage et vertueuse ; j’ai nourri sa fille, celle avec qui vous causiez ; je vais vous dire : celui qui parviendra à mettre la main sur elle pourra faire sonner les écus.
    Roméo. — C’est une Capulet ! O très chère créance ! Ma vie est due à mon ennemie !
    Benvelio, à Roméo. — Allons, partons ; la fête est à sa fin.
    Roméo, à part. — Hélas ! oui, et mon trouble est à son comble".
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  • Un été autour du cou

    4293fbc043d9e6b02ba7f210f0d5df8d.jpgLes six premières phrases du roman de Guy Goffette : Un été autour du cou

    "1
    La Monette avait tout, savait tout; moi, rien. Elle m'a pris sous son aile, m'a roulé dans ses draps puis dans la farine. Puis foulé aux pieds, puis jeté dehors. J'avais douze ans à peine; elle, trente de plus.

    2
    Si seulement ç'avait été des bonbons roses ou verts ou bleus, n'importe, des bonbons acidulés qui fondent lentement sous la langue avec un goût de jardin sauvage, d'iode, de revenez-y; si seulement elle me les avait offerts, caramels, dragées, pralines, que sais-je, comme une grande sœur, une marraine de communion, en me regardant droit dans les yeux, rieuse, complice un peu, et pas la bouche gourmande, les lèvres entrouvertes, gonflées, humides, brillantes comme sur l'affiche du cinéma Lux qui me faisait m'attarder longuement au retour de l'école ; si elle m'avait enveloppé en douceur dans sa voix de renarde, traînante comme la steppe, le temps que s'arrondissent au fond de ma gorge l'accent et le souffle, jusqu'à ce qu'ils me deviennent naturels et familiers comme un galet longtemps poli par la mer, le même que celui que je serrais dans ma poche en la regardant, chaud et moite et presque fondant tout à coup, au lieu d'en remettre comme elle avait fait sur la langueur et le rauque d'une sirène de lupanar; si elle m'avait aimé avec sa voix seulement, du bout des lèvres, susurrante et mouillée, câline comme un creux d'herbes moussues, de quoi rêver à l'amour et m'ouvrir lentement au mystère de la femme, au lieu de me jeter sa chair nue à la figure et de m'obliger à y boire, la tête maintenue dans le feu du torrent, moi qui ne connaissais que l'eau du robinet, j'aurais pu continuer de grandir à mon rythme de petit campagnard rêveur et délicat, marcher en sifflotant dans la rue comme le gamin que j'étais encore, sans honte aucune de mes bras maigres et de mes culottes courtes; j'aurais pu continuer de dire papa à mon père, et maman, et bonjour madame sans rougir, et donner des ordres à mes soldats de plomb sans que ma voix se mette soudain à douter d'elle-même, à trembler; et parler encore chaque soir après l'école à mon lapin comme à un petit frère dodu, caressant, et le nourrir avec la carotte dérobée au potager voisin ou avec l'herbe folle des talus; j'aurais pu oublier de me laver les dents de temps à autre ou de changer de chemise, de chaussettes; et jouer encore à qui pissera le plus haut contre le mur de l'église, fumer derrière la haie avec le fils du médecin les cigarettes blondes qu'il barbotait à son père et qui nous faisaient déchirer le ciel en toussant comme des malades; ou, dans le hangar abandonné, derrière les barils vides qui empestaient l'essence et la benzine, toucher la fente lisse et légèrement rougie sur les bords de la petite Pauline, la fille du voisin, une grassouillette aux yeux de poisson, et consentir finalement à lui montrer comme promis mon machin à moi qu'elle aimait serrer dans sa main jusqu'à ce que la chaleur me monte au ventre et que ça durcisse; j'aurais pu manger encore avec les doigts, graisseux, ongles en deuil, et cracher par terre comme Julos le marin depuis qu'il était revenu de l'Arctique, sourd et manchot, et passait son temps à taper la carte et à raconter aux gosses attroupés ses combats solitaires avec des cachalots gigantesques qui le poursuivaient; j'aurais pu me curer le nez derrière Zig et Puce en attendant que mon père me propose le tisonnier, tellement plus commode et efficace, n'est-ce pas? et finir tout de même par m'essuyer les doigts au bord des nappes et sur le dessous des chaises; j'aurais pu supporter de dormir encore dans la sueur et la morve de mon frère cadet quand il y avait en bas une soirée avec cartes, tricots, liqueurs, alcools et cent histoires salées qui faisaient s'esclaffer les hommes; supporter d'être exclu de la société des grands, et ronger mon frein, allongé contre le petit renifleur endormi, de ne pas pouvoir rire avec eux, même sans rien comprendre, simplement rire, contagieusement rire, solidaire enfin et définitivement homme; j'aurais pu voir encore et encore la mer au fond du jardin et toute la nuit l'entendre rouler à grand fracas ses eaux consolatrices derrière la rangée de peupliers où le vent larguait toutes les voiles, et puis partir, partir enfin, partir déjà, embarquer
    avec Colomb, Vasco de Gama, le bras coupé de Julos, pour cette terre sans horizon où flottent les banquises et les bisons du Grand Manitou.
    J'aurais pu, surtout, le cœur léger, marcher longtemps, longtemps avec une rose à la main vers une jeune fille aux jambes nues, tout partager avec elle et n'avoir plus de secret. "

    Guy Goffette : Un été autour du cou




     

     

  • Les âmes grises

    medium_05457441.jpg"Je ne sais pas trop par où commencer. C'est bien difficile. Il y a tout ce temps parti, que les mots ne reprendront jamais, et les visages aussi, les sourires, les plaies. Mais il faut tout de même que j'essaie de dire. De dire ce qui depuis vingt ans me travaille le coeur. Les remords et les grandes questions. Il faut que j'ouvre au couteau le mystère comme un ventre, et que j'y plonge à pleines mains, même si rien ne changera rien à rien.

    Si on me demandait par quel miracle je sais tous les faits que je vais raconter, je répondrais que je les sais, un point c'est tout. Je les sais parce qu'ils me sont familiers comme le soir qui tombe et le jour qui se lève. Parce que j'ai passé ma vie à vouloir les assembler et les recoudre, pour les faire parler, pour les entendre. C'était jadis un peu mon métier".  

    Philippe Claudel, les âmes grises 

     

  • De sang-froid

    "Le village de Holcomb est situé sur les hautes plaines à blé de l'ouest du Kansas, une région solitaire que les autres habitants du Kansas appellent "là-bas". A quelque soixante-dix miles à l'est de la frontière du Colorado, la région a une atmosphère qui est plutôt Far West que Middle West avec son dur ciel bleu et son air d'une  pureté de désert. Le parler local est hérissé d'un accent de la plaine, un nasillement de cowboy, et nombruex sont les hommes qui portent d'étroits pantalons de pionniers, de grands chapeaux de feutre et des bottes à bouts pointus et à talons hauts. Le pays est plat et la vue étonnamment vaste; des chevaux, des troupeaux de bétail, une masse blanche d'élévateurs à grain, qui se dressent aussi gracieusement que des temples grecs, sont visibles bien avant que le voyageur ne les atteigne".

    Truman Capote, De sang-froid. 

     

    medium_grande_truman_capote.jpg

  • Une femme de ménage

    medium_57564424.jpg"J'avais pris une femme de ménage. Elle était entrée dans ma vie comme ça, parce que j'avais tiré sur une petite languette, à la pharmacie. C'était la dernière des six qu'elle avait prédécoupées au bas de son annonce, scotchée sur la vitrine. Une petite languette de papier verticale, avec les huit chiffres superposés de son numéro de téléphone. Toutes les languettes qui m'eussent intéressé, sauf la sienne, sa petite dernière, donc, avaient été arrachées. Et je m'étais dit qu'il était grand temps que je m'y arrête, devant cette vitrine."

    Christian Oster, une femme de ménage

  • Comme un roman

    medium_images.3.jpg"Le verbe lire ne supporte pas l'impératif. Aversion qu'il partage avec quelques autres : le verbe "aimer"... le verbe "rêver"...

    On peut toujours essayer, bien sûr. Allez-y : "Aime-moi !" "Rêve !" "Lis !" "Lis ! mais lis donc, bon sang, je t'ordonne de lire !"

    - Monte dans ta chambre et lis !

    Résultat ?

    Néant.

    Il s'est endormi sur son livre."

    Daniel Pennac, comme un roman 

  • Voyage au bout de la nuit

    medium_images.jpg"Ca a débuté comme ça. Moi, j'avais jamais rien dit. Rien. C'est Arthur Ganate qui m'a fait parler. Arthur, un étudiant, un carabin lui aussi, un camarade. On se rencontre donc place Clichy. C'était pour le déjeuner. il veut me parler. je l'écoute. "Restons pas dehors ! qu'il me dit. Rentrons !" Je rentre avec lui. Voilà. "Cette terrasse, qu'il commence, c'est pour les oeufs à la coque ! Viens par ici !" Alors, on remarque encore qu'il n'y avait personne dans les rues, à cause de la chaleur; pas de voitures, rien. Quand il fait très froid, non plus, il n'y a personne dans les rues; c'est lui, même que je m'en souviens, qui m'avait dit à ce propos : "Les gens de Paris ont l'air toujours d'être occupés, mais en fait, ils se promènent du matin au soir...""

    Louis-Ferdinand Céline. Voyage au bout de la nuit.

  • ô dingos, ô châteaux (Folle à tuer). Jean-Patrick Manchette

    medium_i-distel-manchette-chronik.JPG.jpgVoici une nouvelle rubrique : les premières lignes d'un roman que j'ai particulièrement apprécié.
    Pour commencer, il s'agit d'un roman de Jean-patrick Manchette ô dingos, ô châteaux.
    Pour ceux qui ne connaissent pas Jean-patrick Manchette, voici une présentation faite par Pierre Assouline :
    "Un nom qui casse, coupe et claque. Le rêve pour un écrivain. Pas un pseudonyme pourtant. Il s’appelait vraiment comme ça. On n’est pas près de l’oublier. Mais pas seulement à cause de son nom : à cause de son œuvre. Vous avez bien lu : œuvre. Ca se dit pour un auteur de polars ? Ca se dit, n’en déplaise à ceux, plus nombreux qu’on ne le croit, qui persistent à tenir la chose pour « un sous-genre » "
    (Pierre-Assouline, sur son blog http://passouline.blog.lemonde.fr/livres/2006/05/tout_manchette_.html

     


    "Zero


    L'homme que Thompson devait tuer, un pédéraste coupable d'avoir séduit le fils d'un industriel, entra dans sa chambre. Refermant sa porte derrière lui, il eut le temps de sursauter à la vue de Thompson debout contre le mur à côté des gonds. Puis Thompson lui plongea dans le coeur une lame de scie rigide montée sur une grosse poignée cylindrique et pourvue d'une garde circulaire en tôle. Tandis que la garde empêchait les jets de sang, Thompson agita vigoureusement la poignée cylindrique et le coeur de l'homosexuel se trouva coupé en deux ou plusieurs morceaux. La victime ouvrit la bouche et eut un seul spasme. Sa croupe heurta le battant et elle tomba morte en avant. Thompson fit un pas de côté. Le cadavre lui laissa sur la main une trace de rouge à lèvres. Thompson s'essuya avec dégoût. Depuis une demi-heure, ses crampes d'estomac étaient devenues presque intolérables. Il quitta la chambre. Personne ne l'avait vu rentrer, personne ne le vit sortir..."


    Jean-patrick Manchette, ô dingos, ô châteaux