Toujours le même principe : à partir de la première phrase d'un roman, écrire une nouvelle.
« Le ciel était une panse d’âne gonflée qui pendait très bas, menaçante, au-dessus des têtes ». Luis Sepulveda, Le vieux qui lisait des romans d’amour
Le ciel était une panse d’âne gonflée qui pendait très bas, menaçante, au-dessus des têtes. Nous marchions en file indienne à découvert et à flanc de colline et à chaque pas, je redoutais un peu plus que les cieux gris, pesants et lourds, poisseux et humides nous avalent comme une vulgaire bouchée, proie trop facile dans le déchaînement des forces de la nature. Des éclairs zébraient à présent l’atmosphère charbonneuse et il n’y avait en vue, nul endroit pour nous abriter. Cela semblait tonner de partout, résonnait tout autour comme si nous avions été enfermés dans une grosse caisse qu’un mauvais génie aurait frappé sans relâche et avec force. Nous aurions pu marcher des heures, à perdre haleine, sans jamais trouver un arbre, un toit, quelque porche ou abri pour nous protéger de la pluie, des bourrasques et de la foudre, pour nous sécher un peu et nous reposer du déluge qui s’abattait sur nos têtes. Rien sur l’horizon. Lisse tel le crâne d’un chauve. Désespérant et inquiétant.
Nous finîmes par nous arrêter, épuisés, las, vidés et nous nous écroulâmes tous ensemble le nez dans la terre comme des quilles balayées méchamment, abandonnant tous dans cet épuisement contagieux. Ce que nous aurions dû décider par intelligence, nous en fûmes contraint par la force. La nature reprend toujours le dessus sur l’homme et nous passâmes la nuit, trempés jusqu’à l’os, tremblant, comateux, délirant de fièvre, le corps dans la boue mais à l’abri de la foudre.
Quand le jour parut, nous fûmes saisis par la clarté du ciel : tout avait été balayé. Pas un nuage, plus de traces du combat de la veille entre les cieux et la terre. Seul stigmate : de la boue sèche sur nos habits et nos corps, de la fièvre dans nos têtes et la peur au ventre d’être passé près de l’irréparable.
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Le ciel était une panse d'âne gonflée
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Le roman, c'est une drogue
"Le roman, c'est une drogue. C'est la liberté totale. Madame de Stael disait : " les romanciers sont plus à nu dans leurs oeuvres de fiction que dans leur autobiographie." Je pense que je parle plus de moi dans mes romans que Christine Angot dans ses autofictions. Comme disait Valère Novarina : "Ce qu'il faut écrire, c'est ce qu'on ne peut pas dire." "
Anna Gavalda