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La grange

grange.jpgLa première phrase « C’était là qu’était dressée la table » est tirée du roman d’Elsa Triolet, Roses à crédit, 1959

C’était là qu’était dressée la table. Près d’un parterre de fleurs bariolées (j’imaginai que les graines du jardinier étaient tombées de sa poche trouée et j’en souris) et sous un vieux pommier qui en plus de nous faire de l’ombre, nous décochait régulièrement de petites pommes à cidre sur la tête ; ce qui apparemment exaspérait mon voisin de gauche, au teint pâle, taciturne et peu prolixe, qui non seulement ne profitait guère de l’ombre, étant mal placé sous une trouée de branches mais recevait beaucoup de projectiles ce que je ne pouvais expliquer.


Mon voisin de droite était plus bavard et parlait tellement, qu’il n’attendait même pas mes réponses pour passer du coq à l’âne, ou plutôt devrais-je dire du zizi au derrière car finalement tout tournait autour du sexe et toutes ses plaisanteries finissaient en propos graveleux. Je prenais ça avec philosophie, n’étant pas un fervent admirateur de ses blagues mais mon voisin de gauche soufflait bruyamment croyant pouvoir stopper la logorrhée du casse-pieds.


A côté de la grande table, qui consistait plus en l’assemblage un peu bancal de vieilles tables sur lesquelles on avait jeté une nappe immaculée, un chemin de gravillons menait à une grange, laide et ancienne. Ce petit chemin tortueux contournait un parterre de fraises des bois qui s’épanouissaient, les pieds dans l’eau, près d’une source qui affleurait à peine. Après le repas qui fut délicieux, réveillé par le café, et ragaillardi par la traditionnelle eau de vie, nous allâmes nous aérer l’esprit et je remarquai de loin que mon voisin de gauche, continuait de maugréer, s’étant trouvé un voisin de table qui semblait réceptif à son caractère grincheux. En s’approchant, la grange flanquée d’un appentis au-dessous duquel trônait fièrement de belles et grosses buches, offrait au regard un aspect plus flatteur : sa haute stature clouait les rais de lumière comme de vulgaires fils sur la toiture : une belle et agréable pénombre en résultait et une végétation verte et luxuriante s’était épanouie sur cette terre humide et accueillante. J’explorai un peu cette verdure constituée de haies touffues, d’arbustes et d’herbes folles autour de laquelle montaient d’agréables fragrances, comme des pétales de roses dans le vent, que j’humai avec plaisir puis je revins sur mes pas non sans jeter un dernier coup d’œil à cette grange. Odeur de bois humide, de feuilles, de terre, de plantes aromatiques peut-être, constituait un mélange subtil et enivrant qui resta présent encore un moment à mon esprit et seul mon voisin de gauche réussit à chasser cela, car en m’asseyant, je constatai qu’il renaudait toujours.


Je finis par m’assoupir, délicieusement réchauffé par la lumière du soleil qui commençait à poindre sur le côté du pommier, en me demandant comment pouvait-on être aussi être ronchon quand la nature nous offre, à portée de main, de petits trésors.

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