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Le parking

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Mes jambes m’emmenèrent jusqu’au parking. Je marchai machinalement. Il y avait ce vent, déjà un peu frais pour la saison, qui cinglait mes joues. J’enfonçai mes mains dans mes poches, résigné. Le chemin, je l’avais empruntai des centaines de fois, des milliers sans doute: je ne mettais jamais amusé à faire le calcul. Mais, cinq fois par semaine, quarante-sept semaines par an, pendant vingt-cinq ans, cela doit bien faire des milliers de fois.


Je ne m’étais pas aperçu que je n’avais pas levé la tête depuis le bâtiment jusqu’à la voiture ; sans doute, avaient-ils déjà réussi à me faire croire que j’étais devenu un looser. Il y avait eu d’abord un e-mail. Glacial, impersonnel. Un style froid comme un bac à glaçons. Une appréhension m’avait envahie, un peu comme une idée vague au premier abord, mais qui sûrement devient plus précise à mesure que la matinée égrenait ses minutes à l’horloge fadasse du bureau. Je savais mais je ne voulais pas me faire à cette idée. Evidemment quand le pire vous arrive, vous ne voulez pas le digérer en une fois. Vous préférez que le morceau vous brûle l’œsophage, lentement, vous malmène l’estomac doucement et finisse par vous tordre les viscères tout aussi mollement. Une torture, en somme. Et quand mon chef m’appela dans son bureau, là mes minces espoirs volèrent en éclat comme une vitre que l’on brise. Je mettais toujours demandé comme je réagirai si la situation se présentait : hurlerai-je ? Serai-je grossier ? En fait, comme un boxer sonné, je ne pus réagir. Bouche-bée. Livide, le regardant pareil à un poisson rouge que l’on vient de foutre dans son petit bocal aux parois transparentes, que l’on vient d’introduire par la force dans ce qui va être, à présent, son univers. Et triste allait être le mien.


Je sortis machinalement les clefs de la Clio et je restai ainsi, les clefs dans le vide, le regard idiot, scrutant une brume qui s’épaississait devant moi, un avenir qui se troublait, floconneux.


Les heures passèrent. Je ne me rendis compte de rien mais je finis par démarrer. Je passai tout de même les vitesses et la voiture me conduisit jusque devant chez moi, où elle se gara. Je descendis, monta les marches et poussa la porte, la tête bouillonnante, les jambes marshmallow, le cœur lacéré. Qu’est-ce que j’allais bien pourvoir dire aux enfants et à Lucie ?

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