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  • La vie devant soi

    la vie devant soi.jpg Il ne faut jamais désespérer. Si insignifiants ou désastreux que soient les résultats, il faut continuer sur le chemin de l’exigence, encore et encore.
    Il y a plus de vingt ans notre professeur de français nous avait emmenés voir un film en noir et blanc, La vie devant soi. Je me rappelle la salle de cinéma, les fauteuils, les copains, et nos pieds qui ne tenaient pas en place. L’ennui. Ou était-ce plutôt ce trait commun aux adolescents que nous étions alors et des groupes en général de suivre les leaders souvent grincheux et contestataires, indisciplinés et abêtis ? Avais-je réellement trouvé ce film ennuyeux ou m’étais-je rallié au groupe qui le trouvait assommant ?
    Nous, élèves de 3ème1 d’un quartier populaire d’Amiens, avions ce jour-là été particulièrement pénibles. Pieds sur les fauteuils, brouhaha, cris intempestifs, rires gras, bruits en tout genre, nous avions exaspéré notre professeur exigeante, qui à coups de pavés Stendhaliens, d’Exercices de Queneau, de mitraille de J.P. Manchette, tenter de nous forger vaillamment une culture littéraire.
    Certains romans se font désirer. Comme des voyages trop onéreux ou périlleux qu’on repousse du bout des doigts de peur qu’ils nous brûlent mais qui nous attirent imperceptiblement toujours un peu plus le temps passant. La vie devant soi de Roman Gary, prix Goncourt 1975, est un de ces ouvrages. Je l’ai cherché longtemps sur les étagères de la bibliothèque municipale, croyant le trouver près des racines du ciel ou des enchanteurs mais mon ticket n’était peut être plus valable et ce livre se dérobait toujours.
    Aujourd’hui je l’ai déniché, l’ai ouvert presque religieusement et l’ai commencé. Vous dire que ce roman est merveilleux et superbe ne suffit pas. C’est un chef d’œuvre.
    Voilà. Il ne faut jamais désespérer d’élèves, d’enfants qui ne lisent pas, chahutent ou se désintéressent de tout. Le déclic peut toujours se produire, même vingt ans plus tard.

  • Enfants et artistes

    picasso.jpg"Tous les enfants sont des artistes. Le problème, c'est de rester artiste, une fois adulte".

    Pablo Picasso

  • Un matin, au sortir d’un rêve agité, Grégoire Samsa s’éveilla transformé dans son lit en une véritable vermine

    kafka.jpg

    Toujours le même principe : à partir de la première phrase d'un roman, écrire une nouvelle.

    « Un matin, au sortir d’un rêve agité, Grégoire Samsa s’éveilla transformé dans son lit en une véritable vermine ». Franz Kafka, La Métamorphose.

    Un matin, au sortir d’un rêve agité, Grégoire Samsa s’éveilla transformé dans son lit en une véritable vermine. Il réalisa en jetant un regard circulaire dans sa chambre à quel point il était devenu nuisible pour sa famille, ses proches, pour la société et aussi pour lui-même. Ce n’était d’ailleurs plus une chambre qu’il avait sous les yeux mais la tanière d’une bête hideuse, un antre repoussant, une bauge.
    Imaginez une pièce rectangulaire étriquée sous les toits et des cloisons trop proches, une misérable lucarne condescendant à laisser entrer quelques rais de lumière, quelques tuiles manquant à l’appel et remplacées par une vielle toile percée, un méchant parquet usé, noirci, attaqué par les champignons et dont les lattes se dérobaient le plus souvent sous les pieds au lieu d’y offrir un appui ferme.
    Jetez dans cette horrible pièce pêle-mêle, un peu de vaisselle, des habits élimés, souillés, macérant de sueur, de vieux journaux, de la nourriture et des restes, du tabac, des bouteilles d’alcool et un tas de choses dont on ne saurait dire maintenant à quoi elles pouvaient bien servir.
    Ajoutez-y par endroits, des vomissures, de l’urine et même des excréments et laissez une main géante attraper le tout et secouer énergiquement l’ensemble de manière à tout retourner sans dessus dessous.
    Tel était le spectacle qui s’offrait aux yeux ahuris de Grégoire Samsa. Il scrutait de son lit tout autour de lui avec un regard vierge cet infâme endroit où il avait vécu et il ne comprenait pas comment tout cela était arrivé. Comment il avait pu passer ses journées, terré dans cette chambre innommable, telle une vermine repoussante, crasseuse, crottée, excrémenteuse, pataugeant dans ce bouge immonde, cette sentine, comme un porc dans une bauge. Il ne comprenait pas comment il avait pu manger et boire dans cette pièce et même y dormir. C’était comme s’il avait été frappé violemment à la tête et qu’il se réveillait après une longue convalescence.
    Et maintenant qu’il reprenait ses sens, des relents immondes lui tournèrent le cœur et l’auraient fait débagouler s’il ne s’était pas enfui en courant de cet infâme endroit. Tout son corps était tendu vers une unique chose à accomplir : courir, courir loin.
    Dehors il avala une grande bouffée d’air frais et il cessa de se sentir une vermine.

     

  • Une petite phrase pour s'amuser

    souffle.jpgCendriers en verre, transparents ou opaques, colorés ou noirs, en matière plastique ou en bois exotique, affublés de ces logos publicitaires tapageurs, comme des appels à ne fréquenter qu’une seule marque de tabac, ils trônaient ou plutôt jonchaient tout l’espace restant à disposition de mon petit appartement, empêchant des centaines de mégots de finir leur vie incandescente sur la moquette beige, le faux parquet ou le carrelage et ces cendriers débordants, je ne pouvais plus les souffrir, soutenir leur regard, voir leur contenu m’était devenu plus insupportable encore que de porter à mes lèvres une cigarette, à tel point, qu’il me prit la folie, car maintenant j’ose utiliser ce terme, de vider le contenu de tous les cendriers dans un grand sac poubelle noir, de ceux qu’on réserve aux tontes d’herbe, comme une révolte, un geste salvateur pour m’empêcher d’étouffer dans le gris de mon existence, dans la fumée de mes dépendances, dans l’ébène de ma résignation et il vrai que les premiers jours après, un grand poids m’avait quitté, comme par enchantement, le nuage noir qui s’évertuait à me suivre, comme attaché à mon existence et me déversant de la tristesse telle l’eau qui coule, s’était vaporisé, laissant place à des ciels azur, un horizon calme et ombragé, des lendemains soleilleux plein d’espérance et pour la première fois depuis bien longtemps, j’avançai dans la vie, léger, neuf, confiant et heureux presque, humant l’air vif et frais des campagnes environnantes comme de subtiles flagrances, m’enivrant de l’oxygène pur qui avait depuis plusieurs années déserté mes pauvres poumons goudronneux, poisseux comme du bitume, gorgés de tous les poisons vendus par les marchands de malheur et de tabac et il me semblait revivre comme un nouveau-né plongé dans un monde nouveau, écarquillant les yeux à chaque coin de rue, m’émerveillant de tout et de rien, m’extasiant de si peu, m’exclamant peut-être trop, goûtant tout, m’enivrant comme soulé de vie et cet état euphorique, dont je pressentais qu’il ne pouvait être qu’éphémère, se prolongea quelques jours, déclina un peu, eut quelques soubresauts comme un malade qui refuse l’agonie puis disparut définitivement laissant place à une mélancolie, une tristesse quasi infinie et à un manque insoutenable de nicotine, lancinant, ne laissant aucun répit que cela soit au bureau, dans la voiture, dans mon appartement, dans la rue ou bien évidemment au café, où les volutes grises enrubannant l’atmosphère chaud et sombre me tournaient la tête et m’obligèrent à fuir au plus vite cet endroit enfumé, confiné, autrefois agréable mais qui était devenu maintenant un enfer pour un écraseur de mégot comme moi qui essaye d’arrêter.

    431 mots pour cette longue phrase ! Mieux que Proust ! mais avec, il faut bien l'avouer, beaucoup moins de talent..

  • Canapé surgi du rêve entre les fauteuils nouveaux et bien réels

    proust.jpgUne très longue phrase de Marcel Proust : près de 400 mots !

    "Canapé surgi du rêve entre les fauteuils nouveaux et bien réels, petites chaises revêtues de soie rose, tapis broché de table de jeu élevé à la dignité de personne depuis que, comme une personne, il avait un passé, une mémoire, gardant dans l’ombre froide du salon du quai Conti le hâle de l’ensoleillement par les fenêtres de la rue Montalivet (dont il connaissait l’heure aussi bien que madame Verdurin elle-même) et par les portes vitrées de Doville, où on l’avait emmené et où il regardait tout le jour au-delà du jardin fleuriste la profonde vallée de la […] en attendant l’heure où Cottard et le violiste feraient ensemble leur partie ; bouquets de violettes et de pensées au pastel, présent d’un grand artiste ami, mort depuis, seul fragment survivant d’une vie disparue sans laisser de traces, résumant un grand talent et une longue amitié, rappelant son regard attentif et doux, sa belle main grasse et triste pendant qu’il peignait ; encombrement joli, désordre des cadeaux de fidèles qui a suivi partout la maîtresse de maison et a fini par prendre l’empreinte et la fixité d’un trait de caractère, d’une ligne de la destinée ; profusion des bouquets de fleurs, des boites de chocolat qui systématisait, ici comme là-bas, son épanouissement suivant un mode de floraison identique : interpolation curieuse des objets singuliers et superflus qui ont l’air de sortir de la boîte où ils ont été offerts et qui restent toute la vie ce qu’ils ont été d’abord, des cadeaux du Premier Janvier ; tous ces objets enfin qu’on ne saurait isoler des autres, mais qui pour Brichot, vieil habitué des fêtes des Verdurin, avaient cette patine, ce velouté des choses auxquelles, leur donnant une sorte de profondeur, vient s’ajouter leur double spirituel ; tout cela, éparpillé, faisait chanter devant lui comme autant de touches sonores qui émerveillaient dans son cœur des ressemblances aimées, des réminiscences confuses et qui, à même le salon actuel qu’elles marquetaient çà et là, découpaient, délimitaient comme fait par un beau jour un cadre de soleil sectionnant l’atmosphère, les meubles et les tapis, poursuivant d’un coussin à porte-bouquets, d’un tabouret au relent d’un parfum, d’un mode d’éclairage à une prédominance de couleurs, sculptaient, évoquaient, spiritualisaient, faisaient vivre une forme qui était comme la figure idéale, immanente à leurs logis successifs, du salon des Verdurin".

     

  • Je ne pense jamais au futur. Il vient bien assez tôt.

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    Bonne et heureuse année 2009 !

     

    "Je ne pense jamais au futur. Il vient bien assez tôt". Albert Einstein

     

    "Le 1er janvier 1945 à Hiroshima, les gens s'étaient souhaité une bonne et heureuse année". Philippe Geluck, bande déssinée Le Chat.