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La Princesse du sang

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Toujours le même principe : à partir de la première phrase d'un roman, écrire une nouvelle.

« L’Oldsmobile noire roulait avec soin sur le sable d’une plage ». Jean-Patrick Manchette, La Princesse du sang.

L’Oldsmobile noire roulait avec soin sur le sable d’une plage. Personne sur la grève hormis la lourde automobile aux plaques du Texas qui roulait au ralenti, phares éteints, précautionneusement. La marée était descendante et les pneus ne s’enfonçaient guère dans le sable encore humide. Dans le véhicule, deux personnes à l’avant, et deux à l’arrière qui encadraient une jeune femme. Cette dernière, bâillonnée, les mains entravées, de longs cheveux bistre, une figure oblongue, comme un tableau d’Amedo Modigliani, pâle, au regard atone ; elle semblait avoir été droguée. Les autres occupants ne disaient mot. De temps à autre, ils se faisaient comprendre par geste, comme si chaque mot prononcé, chaque parole dite, pouvait avoir de mortelles résonances sous le pavillon de l’américaine.
Plus loin le moutonnement des vagues paraissait presque irréel dans la noirceur de la nuit. Près d’une habitation qui apparut au détour du chemin, à proximité d’une dune difforme, hérissée d’oyats, l’automobile noire stoppa. Le plus trapu des hommes ouvrit la marche, les portières ne furent pas claquer et un des gars chargea la jeune femme sur ses épaules comme un sac de ciment tandis que les autres semblaient aux aguets prêts à faire usage de leur arme de poing. La bedonnante voiture, aux généreuses ailes, fut poussée dans un des garages : ils ne voulurent pas redémarrer l’imposant V6 de l’Oldsmobile.
La troupe pénétra dans la demeure, à pas feutrés mais promptement. Toutes les issues furent fermées. Et la jeune femme fut allongée sur un lit où on lui retira ses liens et son bâillon. Elle était encore inconsciente. Ils ne l'avaient pas attacher par plaisir mais dans le cas où elle aurait crié en se réveillant.
—    Nous sommes coincés là jusqu’à demain, dit un des hommes.
—    Quand il fera jour, nous laisserons les volets fermés et quand la nuit viendra, nous partirons discrètement, répondit un deuxième homme.
—    Encore une journée, à se tourner les pouces ici ? dit un troisième.
—    Oui, et c’est notre job, quelque chose à ajouter ? dit le premier des hommes qui avait parlé.
Les autres acquiescèrent et vaquèrent à leur occupation. Les heures passèrent et un silence angoissant baigna la maison, à peine troublé par le craquement aléatoire des boiseries. Ces dernières étaient malmenées par les assauts du vent qui s’était subitement levé avec les premiers rayons du soleil. La jeune femme se réveilla dans la matinée sans réaliser où elle se trouvait. Ils lui préparèrent un petit déjeuner, et lui expliquèrent calmement, qu’ils l’avaient mis en lieu sûr car de sérieuses menaces pesées sur sa vie.
Les hommes des services spéciaux étaient entrés en coup de vent dans sa vie et ils en sortirent le soir même de la même manière après lui avoir expliqué les recommandations à suivre.
Elle resta là, enfermée dans la maison, pendant quelques semaines. Les réserves de nourriture étaient amplement suffisantes et la veille qu’ils reviennent la chercher pour une autre planque, la jeune femme décida d’aller faire une balade le long de la mer.
Le lendemain, les hommes des services spéciaux trouvèrent porte close et aucune trace de la jeune femme.
Elle ne fut jamais retrouvée.
S’était-elle noyée ? L’avait-on enlevé ?
Nul ne le sera jamais.

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