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C'était un plaisir tout particulier de voir les choses rongées par les flammes, de les voir se calciner et changer.

7cd517419d069cedd6ed3c73276a5177.jpgToujours le même principe : à partir de la première phrase d'un roman, écrire une nouvelle.

 
Ray Bradbury, Fahrenheit 451 : "C’était un plaisir tout particulier de voir les choses rongées par les flammes, de les voir se calciner et changer".

C’était un plaisir tout particulier de voir les choses rongées par les flammes, de les voir se calciner et changer. Ce sentiment, je ne m’aurais pas cru capable de le faire mien. Tout cela m’appartenait et voir disparaitre mon refuge comme je l’appelais, happé par les flammes orange tortueuses et dansantes, me laissait indifférent.
Un peu de papier journal avait suffi. Et la cabane s’était embrasée. Il n’y avait pas eu de fulmination mais plutôt une espèce de bruit ridicule, atténué, flemmard quand les flammes qui léchaient la toiture en rondins avait brutalement, avec l’appel d’air, avalé telle une bouche géante la cabane.
J’étais sceptique au départ sur la réussite de mon projet, ne disposant de pas grand-chose mais mettre le feu est véritablement un jeu d’enfant. Ce doit être pour cette raison que tant de pyromanes pullulent entre les lignes des faits divers des journaux.
Je me suis reculé, la chaleur au début agréable presque maternelle devenait insupportable. Ce n’était plus qu’une torche oblongue de laquelle décampaient d’âcres fumées noires, des volutes cendrées qui se tortillaient dans le ciel azuré et plein de promesses. Il était maintenant difficile d’imaginer ma cabane derrière ce mur de feu où le bois igné crépitant, craquant de tout part, menaçait de s’écouler à chaque instant. Le spectacle dura longtemps et je finis par m’asseoir dans l’herbe, ne pouvant plus détacher mon regard de mon chez-moi qui partait en fumée, calciné de mes propres mains.
Quand tout fut fuligineux, quand le bois noir qui crépitait à peine et timidement ne laissa même plus entrevoir quelques braises, quand les fumées se dissipèrent comme une volée de corbeaux derrière une colline, je pris mon sac de toile et partis sans me retourner. C’en était fini. Fini de cette vie de reclus où chacun de mes gestes pouvait me faire arrêter. Fini de me cacher. Fini de trembler à chaque fois qu’une voiture de police ou de gendarmerie croisait ma route.
J’avais tout brûlé. Mon livret de famille, ma carte d’identité, mon passeport, les photos, mes souvenirs personnels. J’avais rasé ma barbe et coupé court mes cheveux que j’avais ensuite décoloré à l’eau oxygénée vingt volumes.
J’étais un autre homme. Enfin je voulais l’être et espérais l’être.
C’était une nouvelle vie qui s’annonçait au bout du sentier, et je l’espérais meilleure que la précédente.
 

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