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Au numéro trois de cette rue

Une ville d'Allemagne, un soir d'hiver bien banal. Il neige et un homme au physique plutôt ingrat, les cheveux en bataille, dans un petit appartement tout en désordre, a remis un peu de bois dans sa cheminée. Sa perruque blanche traîne par terre ainsi qu'une multitude de papiers.
Dehors la nuit est tombée et le vent violent s'engouffre, en sifflant, à travers le petit trou d'un carreau cassé et mal réparé. Quelques bougies éclairent à peine la pièce et le capharnaüm qui y règne. Une table sur laquelle une montagne de papiers repose, cinq misérables chaises et un petit secrétaire dans un coin, composent le mobilier du séjour. Les deux fils du pauvre homme et sa femme se sont déjà endormis ; cet homme a décidé qu'il irait les rejoindre plus tard. Il faut qu'il travaille encore.
Il se sert un verre de vin, il pense que ça lui donnera des forces et que cela le réchauffera car il grelotte. Il en reprend un, tout en regardant le feu qui crépite. Il pose le verre sur une table et vient se réchauffer, de nouveau devant la cheminée, les mains gonflées par des années de labeur. Il sourit car il sait que son travail du moment est de qualité. Peut-être qu'il arrivera à en tirer une bonne somme d'argent cette fois-ci. De toute façon, ce n'est pas l'essentiel. Ah ! Si seulement, il arrivait à faire vivre sa petite famille décemment car tout le reste lui est égal.
Il se rassoit à sa table et s'emmitoufle le mieux qu'il peut dans sa redingote pour se remettre au travail. Il réfléchit un instant pour rassembler ses idées puis il trempe sa plume dans l'encrier et se met à écrire. Sa plume file, comme l'éclair, sur les feuilles, bondit régulièrement de l'encrier au papier et du papier à l'encrier. Si bien qu'au bout d'une bonne heure, il a déjà griffonner vingt-cinq pages.
Arrivé à la fin de son ouvrage, il soupire et se rejette en arrière, la tête appuyée sur le dossier. La pendule indique maintenant minuit trente. Les trais tirés, la tête lourde et le teint morne, il décide enfin de se coucher. Il appose ses initiales ainsi que son nom sur la dernière feuille et se lève. Discrètement il passe dans une autre pièce où ses enfants dorment ; il les embrasse et ressort. Il pousse une autre porte, referme derrière lui sans faire de bruit, enlève ses chaussons et se met au lit sans même enlever ses habits pour avoir plus chaud.
Dans le séjour, la dernière feuille posée sur la table s'est soulevée avec l'air qui s'est engouffré à travers le carreau cassé. Celle-ci semble être, pendant un instant, comme suspendue en l'air. Mais elle se met à se balancer lentement tout en tombant et finit doucement sa course sur un tapis défraîchi et déjà bien encombré.
Dehors des petits flocons de neige tombent toujours et un pauvre clochard boitillant, transi de froid, errant à la recherche d’un abri, ne se doute nullement en passant devant le numéro trois de cette rue que dans cette maison, une feuille posée à même le sol ravira des millions d’hommes à travers le monde. Sur cette feuille, en bas à droite est écrit trois petits mots :
Wolfgang Amadeus Mozart

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